Infosphère ou métavers: de quoi parle-t-on au juste?

Infosphère ou métavers: de quoi parle-t-on au juste?

Comment s’y retrouver dans cette nouvelle course à la suprématie numérique? Voici quelques aspects qui procureront une meilleure perspective d’un paradigme apparu il y a plusieurs décennies, mais qui suscite actuellement un engouement qui n’est pas étranger à celui de la réalité virtuelle et augmentée.

Origine

Les concepts d’univers numériques existants parallèlement à notre vie réelle prennent forme dans les années 1980-90. Des termes issus de la science-fiction apparaissent dans le vocabulaire technique, tels que le cyberspace proposé par l’auteur William Gibson, celui du métavers popularisé par Neal Stephenson et celui de l’infosphère conceptualisé par Dan Simmons dans son œuvre Hyperion. Ce dernier vocable a été repris dans une perspective plus métaphysique par Luciano Floridi pour décrire, similairement au concept de biosphère, un modèle regroupant toutes les composantes de la société de l’information (1). L’infosphère englobe finalement toutes les activités informatiques et multimédias sur les multiples réseaux autour de la planète.

Perspective planétaire

Par définition, il serait juste d’affirmer que les concepts de cyberspace et de métavers constituent des sous-ensembles de l’infosphère, terme plus global dans une perspective planétaire. Il fait référence aux sphères naturelles et artificielles du système Terre, présentées dans le schéma suivant.

L’infosphère représente donc ce que l’on pourrait appeler l’ultime sphère ou espace numérique créé par l’espèce humaine. Évidemment, elle est intimement liée à la technosphère qui constitue l’ensemble des outils et systèmes technologiques élaborés par la société moderne. Ce schéma aide à illustrer l’interrelation entre les sphères naturelles (géosphère, biosphère, etc.) et celles artificielles (technosphère, infosphère) qui sont en constante évolution.

La course à la numérisation

Une incroyable révolution de l’infosphère s’est amorcée grâce à internet qui a connu la pénétration la plus rapide de l’histoire. Le web s’est diffusé vingt fois plus vite que le téléphone fixe, dix fois plus que la radio, trois fois plus que la télévision (2). Un réseau complexe d’espaces numériques qui se configure en permanence. Puis on a vu émerger les premiers jeux en ligne dits « virtuels » ou « métavers », se déroulant dans des mondes persistants qui ont « une vie » sur internet, indépendante des joueurs. Il y a aussi les environnements d’immersion qu’on appelle réalité virtuelle et augmentée, dans lesquels les usagers peuvent « vivre » dans une virtualité simulée.

« Il semble aujourd’hui que la notion de métavers est interprétée selon la définition de chacun, de sorte que personne ne s’y retrouve. »

 

Ces réalités mixtes nous amènent à une fusion en un seul continuum perceptif, comme on ne l’a encore jamais connu dans l’histoire. Les visiocasques, les lunettes intelligentes et autres interfaces haptiques constituent les portes d’entrée de ces univers dans lesquels jumeaux numériques et environnements virtuels créés de toute pièce se côtoient. Certains les appellent les métavers, d’autres parlent de mondes informatiquement simulés.

Il semble aujourd’hui que la notion de métavers est interprétée selon la définition de chacun, de sorte que personne ne s’y retrouve. L’emploi à outrance de ce terme montre bien le désir de l’industrie de conquérir ces mondes parallèles à coup de milliards et à terme, à atteindre une suprématie numérique. Mais il faut mettre en perspective que le métavers n’est qu’une portion de l’univers du numérique dans l’infosphère où il évolue réellement. Cependant, la tendance à la hausse du développement de projets d’environnements immersifs montre que, ce que l’industrie appelle le métavers, prendra une part importante du marché de la numérisation.

Standardisation

C’est pourquoi, à l’instar d’internet, le déploiement du métavers tel que promu par l’industrie suivra une évolution naturelle vers des standards. Ceci touchera certains aspects du développement logiciel et matériel en réalité virtuelle/augmentée, tels que les équipements d’interface, les avatars, les outils de développement ainsi que les règles d’utilisation.

De plus, les plateformes de médias sociaux basées sur la réalité virtuelle souffrent actuellement de problèmes éthiques (3). Il semble que personne n’est responsable du respect des droits et de la sécurité des individus à l’intérieur de ces environnements immersifs, dont la modération de contenu, la gestion des données personnelles et le harcèlement, sont autant d’enjeux dans l’expansion incontrôlée des métavers.

Infosphère et impact environnemental

À l’ère de l’influence toujours plus grande de l’anthroposphère, c’est-à-dire de l’activité de l’être humain sur notre planète, il est important de parler des conséquences de l’escalade du numérique. En effet, générer, transmettre, organiser et traiter des quantités phénoménales de données requièrent de plus en plus d’énergie, engendrée par l’utilisation d’une accumulation importante de composants électroniques. Prenons conscience que l’expansion de l’activité de l’infosphère contribue aux problèmes du réchauffement climatique. L’écosystème numérique mondial est à l’origine de 2 % à 4 % – selon les études – des émissions de gaz à effet de serre sur la planète, soit jusqu’à deux fois plus que le transport aérien (4). Si tous les appareils et composants du numérique fonctionnaient avec de l’électricité renouvelable, les émissions chuteraient considérablement selon des études.

Références

1) Péquignot, Julien; ROUSSEL, François-Gabriel, Les métavers : Dispositifs, usages et représentations, Éditions L’Harmattan, 2015.

2)Muriel Valin, LE GRAND DOSSIER : Bienvenue dans le métavers, Magasine Epsiloon n°5, Novembre 2021.

3)Tanya Basu, The metaverse has a groping problem already, MIT Technology Review, December 16, 2021.

4)Charles de Laubier, Pourquoi le numérique contribue de plus en plus au réchauffement climatique, Le Monde, publié le 09 janvier 2022.

À propos de l’auteur

Eric R. Harvey

Auteur, ingénieur système, directeur de l’imagerie appliquée au CIMMI

Eric R. Harvey, PhD a obtenu son doctorat en physique optique de l’Université Laval en 1999. Il compte plus de 30 ans d’expérience en recherche appliquée et en ingénierie système. M. Harvey est présentement directeur du secteur de l’imagerie appliquée au CIMMI, couvrant les domaines suivants: vision numérique, réalité augmentée et virtuelle et interface homme-machine. Il est également auteur de plusieurs livres de fiction depuis une dizaine d’années.

Version anglaise

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Infosphere or metaverse: what exactly are we talking about?

How do we navigate this new race for digital supremacy? Here are a few aspects that will provide a better perspective of a paradigm that appeared several decades ago, but which is currently generating a craze that is not unrelated to that of virtual and augmented reality.

Origin

The concepts of digital universes existing in parallel to our real life take shape in the 1980s and 1990s. Terms from science fiction appear in the technical vocabulary, such as cyberspace proposed by the author William Gibson, the metaverse popularized by Neal Stephenson and the infosphere conceptualized by Dan Simmons in his work Hyperion. This last term was taken up in a more metaphysical perspective by Luciano Floridi to describe, similarly to the concept of the biosphere, a model grouping together all the components of the information society(1) . The infosphere ultimately encompasses all computer and multimedia activities on the multiple networks around the planet.

A global perspective

By definition, it would be fair to say that the concepts of cyberspace and metaverse are subsets of the infosphere, a more global term in a planetary perspective. It refers to the natural and artificial spheres of the Earth system, presented in the following diagram.

The infosphere thus represents what we could call the ultimate sphere or digital space created by the human species. Obviously, it is intimately linked to the technosphere, which constitutes the set of technological tools and systems developed by modern society. This diagram helps to illustrate the interrelation between the natural spheres (geosphere, biosphere, etc.) and the artificial ones (technosphere, infosphere), which are constantly evolving.

The race to digitize

An incredible revolution of the infosphere has begun thanks to the Internet, which has experienced the fastest penetration in history. The web has spread twenty times faster than the fixed telephone, ten times faster than radio, three times faster than television(2) . A complex network of digital spaces that is constantly being configured. Then we saw the emergence of the first so-called «virtual» or «metaverse» online games, taking place in persistent worlds that have a «life» on the Internet, independent of the players. There are also the immersion environments called virtual and augmented reality, in which users can «live» in a simulated virtuality.

« It seems today that the notion of metaverse is interpreted according to one’s own definition, so that no one is sure what it means. »

 

These mixed realities lead us to a fusion in a single perceptive continuum, as we have never known in history. Video headsets, smart glasses and other haptic interfaces are the gateways to these universes in which digital twins and virtual environments created from scratch exist side by side. Some call them metaverse, others speak of computer-simulated worlds.

It seems today that the notion of metaverse is interpreted according to each person’s definition, so that no one is sure what it means. The excessive use of this term shows the desire of the industry to conquer these parallel worlds with billions of dollars and eventually, to reach a digital supremacy. But we must put into perspective that the metaverse is only a portion of the digital universe in the infosphere where it really evolves. However, the upward trend in the development of immersive environment projects shows that, what the industry calls the metaverse, will take an important part of the digital market.

Standardization

This is why, like the Internet, the deployment of the metaverse as promoted by the industry will follow a natural evolution towards standards. This will affect certain aspects of virtual/augmented reality software and hardware development, such as interface devices, avatars, development tools and user rules.

In addition, social media platforms based on virtual reality currently suffer from ethical problems (3) . It seems that no one is responsible for respecting the rights and safety of individuals within these immersive environments. Content moderation, personal data management and harassment, all being issues in the uncontrolled expansion of metaverse.

Infosphere and environmental impact

In the era of the ever-increasing influence of the anthroposphere, i.e. the activity of human beings on our planet, it is important to talk about the consequences of the escalation of digital technology. Indeed, generating, transmitting, organizing and processing phenomenal amounts of data requires more and more energy, generated by the use of a large accumulation of electronic components. Let’s be aware that the expansion of the infosphere’s activity contributes to global warming problems. The global digital ecosystem is responsible for 2% to 4% of the world’s greenhouse gas emissions, up to twice as much as air travel (4) . If all digital devices and components were powered by renewable electricity, emissions would drop dramatically, according to studies.

References

  1. Péquignot, Julien; ROUSSEL, François-Gabriel, Les métavers : Dispositifs, usages et représentations, Éditions L’Harmattan, 2015.
  2. Muriel Valin, LE GRAND DOSSIER : Bienvenue dans le métavers, Magasine Epsiloon n°5, Novembre 2021.
  3. Tanya Basu, The metaverse has a groping problem already, MIT Technology Review, December 16, 2021.
  4. Charles de Laubier, Pourquoi le numérique contribue de plus en plus au réchauffement climatique, Le Monde, publié le 09 janvier 2022.

About the author

Eric R. Harvey

Author, System Engineer, Director of Applied Imaging at CIMMI

Eric R. Harvey, PhD received his Ph.D. in optical physics from Laval University in 1999. He has over 30 years of experience in applied research and systems engineering. Dr. Harvey is currently the Director of the Applied Imaging Sector at CIMMI, covering the following areas: computer vision, augmented and virtual reality and human-computer interface. He is also the author of several books of fiction for the last ten years.

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